Le Journal Expérimental de PHOSPHORE
La paix à tout prix
Apparue au milieu du XIX° siècle en Iran,
forte de 6 millions de fidèles de toutes origines répartis
dans plus de 200 pays, la jeune religion baha'ie n'est guère connue.
Qui sait qu’elle fête ses 100 ans de présence en France?
S’agirait-il d'une de ces sectes qui aime le secret ? Non, simplement,
les baha'is ont pour principe et pour horizon la paix à tout prix.
Le maître mot de leur foi est l'unité : unicité de
Dieu, unité de l'humanité, unité des religions. Pas
question pour eux de se compromettre avec quelque violence que ce soit.
Les Baha'is considèrent les grandes religions universelles comme
les chapitres d'une révélation unique et progressive. Pour
eux, Moïse, Bouddha, le Christ, Mahomet ont été les
messagers de Dieu. Le dernier en date étant Baha’u’llah,
né en Iran en 1817.
Pas de désobéissance civile
Le baha'isme est issu de l'islam chiite. Comme les Juifs
attendent la venue du Messie, les chiites attendent le retour du "Mahdi",
successeur disparu de Mahomet. En 1844, un jeune iranien, appelé
le Bab, annonce la création d'une nouvelle religion et la venue
prochaine du Promis. Il entraîne de nombreux disciples. Dans le pays,
la répression est terrible. Plus de 20 000 « babis »
périssent massacrés. Le Bab lui-même est
exécuté en 1850. Trois ans après, du fond de son
cachot, un de ses anciens disciples reçoit la
révélation : il est le Promis, Baha'u'llah (la gloire de
Dieu). Banni d'Iran, il passe les 24 dernières années de
sa vie prisonnier des autorités ottomanes à Haïfa.
Il y meurt en 1892, laissant des « révélations
», reprises et développées par son fils et son
petit-fils.
Au coeur des textes saints baha’is, le souci de l'unité
et de la paix se décline dans tous les domaines : l'unité
de l'humanité par la mise en place progressive d'institutions
mondiales, la tolérance religieuse, l'égalité
homme-femme, l'accès de tous à l'éducation, la
justice économique, l'accord science-religion. Toutes choses
prophétisées par Baha'u'llah au milieu du XIX°
siècle et qui se sont accomplies, remarquent les Baha'is. Leur
mission? Promouvoir l'unité par l'éducation et par la
paix collective et intérieure. « Celui qui désire
servir la cause du seul vrai Dieu doit la soutenir de sa plume et de sa
parole plutôt que de recourir à l'épée ou
à la violence», insiste Baha'u'llah. Cette non-violence
se distingue de celle de Gandhi ou de Martin Luther King. «
Nous voulons agir par l'affirmation de conscience plutôt que par
des actes de boycott ou de désobéissance civile »,
explique Thierry Hamy, baha'i. Baha'u'llah demande à ses disciples
d'obéir loyalement aux gouvernements sous lesquels ils vivent.
Une limite à cette obéissance confiante : l'abjuration de
la foi, même au prix de la vie. En témoigne le lourd tribut
payé par les Baha'is d'Iran : la dernière exécution
rapportée par les médias occidentaux date d'août 1998.
Cette obéissance s'appuie sur la foi que le progrès est en
marche la réalisation de « la Grande Paix », âge
d'or de l'humanité, prendra forcément du temps.
Le souci de la paix et de l'unité rapprochent sans conteste les
Bah'ais des chrétiens. A Assise en 1986, Jean-Paul Il a fait de
l'engagement au service de la paix l'enjeu central de la rencontre
entre les grandes religions. Reste que pour l'Eglise, la paix et
l'unité ne peuvent être dissociées du service de la
vérité. La libération de la violence destructrice
qui mine l'humanité ne se décrète pas. Elle n'est
pas non plus simplement le fruit d'un progrès naturel continu.
Pour les chrétiens, la paix de Dieu entre dans le monde et dans
le coeur des hommes par une rupture, une forme
de violence même. « Pensez-vous que je sois venu
pour établir la paix sur la terre? Non, je vous le dis, mais bien
la division », dit Jésusfqui ne cesse pour autant de
répéter « la paix soit avec vous ».
« C'est ma paix que je vous donne ; je ne vous la donne pas comme
le monde la donne », dit-il dans l'évangile de Jean.
Dans le Nouveau comme dans l'Ancien Testament, la parole de Dieu est
comme un glaive tranchant. Elle sépare le mensonge de la
vérité au coeur de celui qui l'écoute. Elle tourne
l'homme vers un autre que lui-même. Oui, il y a une violence de
l'amour de Dieu, comme il y a une violence de l'amour quand il nous
déroute. La violence créatrice de l'Esprit sauve l'homme
du repli sur lui. Dieu ouvre une brèche dans les cœurs
endurcis pour donner et redonner la vie.
©Copyright 1999, Le Journal Expérimental de PHOSPHORE
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