Monde
Les obsèques de David Kelly n'arrêtent pas la polémique
06 août 17:53:02
La veuve du docteur David Kelly, le spécialiste des armements
irakiens dont le suicide a ébranlé Tony Blair, lors des funérailles de son mari à Longworth, dans la région d'Oxford. Au moment même où se déroulaient les
obsèques, la controverse entourant sa mort continuait à Londres. © REUTERS |
par Russell Boyce
LONGWORTH, Angleterre (Reuters) - Le Dr David Kelly, spécialiste des armements de l'Irak dont le suicide a fait basculer Tony Blair et son gouvernement
dans la crise la plus grave qu'ils aient connue, a été enterré au village de Longworth (Oxfordshire), près du bois où fut retrouvé son corps.
Alors même que la famille et les amis du défunt assistaient à ses obsèques, célébrées non loin de sa maison à l'église médiévale St. Mary, la
controverse entourant sa mort continuait d'agiter le monde politique et les médias britanniques.
Des adversaires du gouvernement exigeaient la démission d'un porte-parole du Premier ministre qui a fait scandale au début de la semaine en comparant le
Dr Kelly au personnage de fiction Walter Mitty, connu pour sa timidité et son héroïsme imaginaire.
Kelly, qui travaillait pour le ministère de la Défense, a été la source anonyme d'un reportage de la BBC où le gouvernement britannique était accusé
d'avoir "gonflé" un dossier sur l'arsenal de l'Irak pour justifier la guerre contre le régime de Saddam Hussein.
"Il est d'une ironie cruelle qu'un gouvernement qui jugeait bon d'employer le Dr Kelly au plus haut niveau, qui célébrait sa compétence et louait son
travail aux Nations unies, se retourne à présent contre lui de façon aussi monstrueuse", écrit dans un article de presse le Pr Alastair Hay, collègue de Kelly.
"Et pour l'entourage du Dr Kelly, la douleur doit être d'autant plus grande que sa disparition est transposée sur la scène publique et que la
controverse fait rage de tous côtés."
LE JUGE HUTTON PRESENT
Aux obsèques de Longsworth, petit village du centre de l'Oxfordshire, le corps de Kelly a été placé dans l'église au son d'un carillon solitaire, tandis
que la police tenait les curieux à l'écart.
Après avoir été propulsé au coeur de la polémique entre le gouvernement et la BBC, l'ancien chercheur et expert en armements, âgé de 59 ans, a été
retrouvé mort le 18 juillet, un poignet tranché, dans un bois proche de son domicile. Alors que des pressions s'exerçaient pour que son identité soit révélée,
il avait subi des "interrogatoires" serrés devant des commissions parlementaires.
Sa mort a donné un tour macabre au débat politique sur l'Irak, responsables et journalistes s'accusant mutuellement d'avoir le sang de Kelly sur les mains.
Une enquête judiciaire sur le décès du scientifique s'ouvre officiellement lundi. Son responsable, le juge Lord Hutton, était présent aux obsèques
mercredi, de même que le vice-Premier ministre John Prescott qui représentait le gouvernement.
Tom Mangold, journaliste et ami de Kelly, a fait l'éloge de son travail sur les armements de l'Irak, où il avait effectué des dizaines de déplacements.
"Nous laissons à son destin un homme qui a beaucoup fait pour contrer le mal et, paradoxalement, l'un de ceux qui auraient fait le plus découvrir des
armes de destruction massive", a dit Mangold.
Blair et son ministre de la Défense, Geoff Hoon - auquel certains reprochent d'avoir révélé le nom de Kelly aux médias peu avant sa mort - étaient
absents de Grande-Bretagne mercredi. Blair se trouvait aux Caraïbes et Hoon aux Etats-Unis.
L'affaire Kelly a été catastrophique pour Blair, dont la cote de popularité s'est effondrée tandis que son cabinet était accusé de manipulation. Elle a
maintenu au premier plan le fait qu'on n'ait pas découvert d'armes de destruction massive en Irak. L'affaire a aussi valu de fortes critiques à la BBC,
accusée d'avoir manqué à ses critères professionnels et accentué la pression sur le Dr Kelly en cédant au sensationnalisme.
Bien que les obsèques de Kelly se soient déroulées selon le rite anglican, elles comportaient quelques aspects de la religion universaliste bahai, à
laquelle il s'était converti en 1999.
©Copyright 2003, Libération (France)
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